Dialogue with Bloody Mary & Mercredi Addams

BEAUCOUP DE QUESTIONS POUR RIEN 

mercredi addams

Premier Épisode : Tea Party avec Mercredi Addams

Mary Stuart repose délicatement sa tasse et observe son invitée. La scène se passe dans le salon cosy d’un lugubre château perdu dans les Highlands. Par la fenêtre, on peut voir des nuages noirs. Quelque chose hurle dehors : un loup, peut-être. Probablement quelque chose de pire.

« Racontez-moi encore votre exécution. »

Le fantôme de l’ancienne reine fixe son invitée, assise de l’autre côté de la table. Treize ans tout au plus. Elle est vêtue d’une robe noire austère, à peine rehaussée par un col blanc. Ses cheveux noir corbeau sont divisés en deux tresses nouées avec une précision mathématique.

MERCREDI ADDAMS : Trois coups avant que le bourreau ne réussisse à vous tuer, c’est ça ?

MARY STUART : Il avait légèrement trop bu.

MERCREDI : Maintenant, expliquez-moi pourquoi en tant que fantôme, vous ne portez pas votre tête sous le bras comme n’importe quel autre spectre de décapité ?

MARY STUART : Ça n’est pas élégant. Je préfère la laisser posée sur mon cou. De plus, je ne cherche pas à effrayer qui que ce soit. J’invite des gens, je ne les chasse pas en… disons, leur apparaissant, prétendant chercher une tête qui va rouler jusqu’à leurs pieds au moment propice.

Mercredi hausse un sourcil.

MARY STUART : Vous pensez que je suis dépourvue d’humour.

MERCREDI : Nous n’avons pas le même, c’est certain. J’ai bien aimé le portrait de votre mari dans le hall d’entrée.

MARY STUART : Celui qui le montre dans son cercueil ?

MERCREDI : Celui-là.

MARY STUART : C’est mon préféré aussi. Il n’avait que seize ans et je lui ai survécu presque dix… C’est incroyable, quand j’y pense – nous étions si jeunes. Mais c’est moi qui suis censée vous poser des questions, Mercredi. Au moins pour satisfaire les deux spirites qui ont posé un magnétophone dans ce salon.

MERCREDI : Elles vous paient, j’espère ?

MARY STUART : Que ferais-je d’argent ? Je suis un fantôme ! Elles me publient. Elle font subsister ma mémoire. Être reconnue par un hurlement quand je visite le village voisin fait toujours plaisir. Donc, j’ai des questions pour vous.

MERCREDI : Je ne sais pas si j’ai envie de répondre à des questions.

MARY STUART : Vous avez donc treize ans, l’âge où l’on commence à penser à l’homicide avant la gaudriole.

MERCREDI : Les gens ont tendance à inverser ces deux valeurs.

MARY STUART : Votre homicide de prédilection ?

MERCREDI, une étincelle passe dans ses yeux : Vous commencez d’emblée par les sujets intéressants. Est-ce que vous allez arriver à faire durer cet entretien plus de deux minutes ?

MARY STUART, un brin angoissée : C’est ma première interview, si vous ne vous montrez pas un brin coopérative…

MERCREDI : L’arsenic. Selon les statistiques, le poison est la première arme meurtrière utilisée par les femmes. Navrée de vous décevoir.

MARY STUART : Le cliché qui vous agace le plus ?

MERCREDI : Les interviews en forme de portrait chinois. (silence) Vous avez préparé vos questions ?

MARY STUART, un peu dépitée : Oui.

MERCREDI : Ne le faite pas, la prochaine fois. Ou trouvez de meilleures questions. C’est un thé, pas une conférence de presse. Quelle est la chose que vous regrettez le plus de votre existence… humaine ?

MARY STUART : Ne pas avoir su manœuvrer pour envoyer la reine Elizabeth à ma place sur l’échafaud.

MERCREDI : Vous l’avez hantée ?

MARY STUART : Évidemment ! Elle n’a jamais rien remarqué : elle prenait des somnifères. Deux de ses gardes sont morts d’une attaque cardiaque en me voyant, un autre est entré dans les ordres, mais elle ? Rien du tout.

Mary se ressert une tasse de thé, en propose à Mercredi qui hoche lentement la tête pour en accepter une nouvelle. La dame fantôme sirote.

MARY STUART : Comment va votre frère, Mercredi ?

MERCREDI : Occupé à trouver de nouveaux moyens de me tuer, je suppose. Ou de faire sauter le château. Il aime fabriquer de nouveaux explosifs.

MARY STUART, anxieuse : Ce château ?

MERCREDI : Celui de mes parents, leur résidence d’été. Pugsley ne m’a pas suivie jusqu’ici.

MARY STUART : Et vos parents ?

MERCREDI : Probablement en train de trouver de nouveaux moyens de tuer les touristes qui voudraient habiter chez nous. (silence) Non, c’est plutôt une activité qu’ils me laissent. Ils doivent invoquer les morts avec Grand-Mère. Et Fétide est parti au Pérou étudier la fabrication des têtes réduites.

MARY STUART : Vous avez anticipé ma question.

MERCREDI : Je sais. Vous en avez d’autres ?

MARY STUART : Marchons plutôt en silence dans les couloirs, je suis un fantôme, après tout. Je ne peux supporter de rester trop longtemps immobile. J’ai gardé ça de ma vie passée.

Elles se lèvent et sortent du salon. Mary prend la main de Mercredi qui tressaille à peine au contact glacial. Elles regardent en silence les murs en ruine du château de l’immortelle reine d’Écosse. Elles atteignent finalement le haut du donjon, le Loch Leven à l’horizon noir encre.

MERCREDI : Quel merveilleux endroit pour un suicide. Pourquoi vous êtes-vous laissée exécuter par la Vierge ?

MARY STUART, lasse : Lassitude, je suppose. Ma mort est si loin, je ne sais même plus dans quel état d’esprit j’étais à ma mort ni pourquoi je suis restée ici, entre deux mondes.

MERCREDI : Ce n’est pas moi qui suis la clé. Je pose les questions, je suis trop jeune pour avoir encore des réponses. Qu’en disent vos spirites ?

MARY STUART, désespérée : Elles s’amusent avec moi, elles n’ont cure de mon sort, quoi qu’elles en disent.

MERCREDI, murmurant  : Chut, elles nous écoutent.

MARY STUART : Qu’elles écoutent, qu’elles notent mes paroles, les vôtres, je n’ai plus rien à cacher. Je dois seulement trouver quelqu’un qui ne me posera plus de questions. Qui pourra me répondre et me libérer, enfin.

La voix de Mary résonne dans l’obscurité, se réverbère sur l’eau par ondes jusqu’à atteindre les ondes du microphone plus loin encore. A des kilomètres du château de Loch Leven où erre à demi en vie la reine des Scots, deux spirites échangent un regard entendu. La prochaine expérience sera la bonne…

Retrouvez le nouvel épisode vendredi prochain, le 25 juillet 2014. Le mystère reste entier quant à l’identité du prochain invité de Bloody Mary… 

L’épisode est disponible en podcast lu par Adeline Arénas (Lecture & Musique) : 

 

3 réflexions sur “Dialogue with Bloody Mary & Mercredi Addams

  1. […] prochain épisode sera publié vendredi 8 août. Vous pouvez relire le premier épisode (avec Mercredi Addams) ainsi que le second (avec Oscar Wilde) en […]

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  2. […] la semaine prochaine, le vendredi 22 août ! Vous pouvez e)lire les derniers épisodes avec Mercredi Addams, Oscar Wilde, Emily Brontë & Marie-Antoinette ! Le podcast de l’épisode 5 sera […]

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  3. […] prochain épisode vendredi prochain, le 29 août. Vous pouvez (re)lire les derniers épisodes avec Mercredi Addams, Oscar Wilde, Emily Brontë, Marie-Antoinette & Edgar Allan Poe ! Le podcast de […]

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